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QUESTION 37 Parce que tes cellules grésillent comme lhuile dans une poêle à frire. Parce que la pleine lune, parce que les grandes marées. Parce que tu ne trouves aucune raison personnelle à ce grésillement qui sempare de ton corps. Sauf lastre électrique tu es entrée en conjonction lunaire. Parce que lesprit, étranger et impuissant, assiste à lembrasement et à la consomption de la chair, « je suis énervée je suis énervée je suis énervée » tu ne peux dire que cela par débordement, par vagues. Tu es eaux vives, matière première, atomes polarisés. Que tu le veuilles ou non, tu es sous lemprise. Parce que rouge, ton corps crépite, ton esprit fulmine, chauffé à blanc. Très déconcertant. Parce que tes cellules grésillent prendras-tu conscience, que tu nes, quun épiphénomène ?
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QUESTION 38 Parce que je veux que tu maimes comme une petite route de campagne. Pas comme une autoroute. Avec mes ornières et mes sorties dornière, mes zones inondables, mes touffes dherbes, ma terre et mes pierres, mes pêcheurs décrevisses Parce que je ne veux pas que tu files tout droit très vite sans ten apercevoir. Parce que je ne veux pas de conduite automatique. Parce que je veux te prendre et te surprendre dans mes méandres et mes cahots. Parce que je taime. Sans le vouloir. Au hasard de nous-même, découvrirons-nous, dautres marais aux cigognes ?
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QUESTION 39 Parce que tout à coup il sort. Disparait à perte de vue à tout jamais, nous laissant dans la solitude et les errances du monde contemporain. Parce que nous étions un tout, lui un ancrage, notre plus grand chariot de vie (sienne) et de savoirs (autres), lhistoire et la géographie Parce quil nous emmenait sur la route, toujours à lessentiel, jusque-boutiste dans ses manies, ses fantaisies, comme dans lamour ; sans vitesse ni mot superflus. Parce que dans ses silences, tu pouvais entendre le doux ronronnement de la machine et de la bête humaines, le juste et le sage, attentif et discret Parce que jai oublié ses phrases cristallines, taillées dans le roc, mais me souviens de son sourire malicieux jusquaux yeux qui sépanouissaient avec nos rires Parce quil était un livre vivant, une mémoire vive, qui, pour nous raconter encore de pures histoires vraies avec autant de plaisir qui pour nous consoler ? Sauf(s) les petits enfants.
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" - Est-ce que tu rêves, Selver?
- Très rarement, maintenant.- Éveillé?
- Éveillé.
- Tu rêves bien, Selver?
- Pas très bien.
- Tiens-tu le rêve entre tes mains?
- Oui.
- Peux-tu tisser, modeler, suivre et diriger,
commencer et t'arrêter selon ta volonté?- Parfois, pas toujours.
- Peux-tu marcher sur le chemin de ton rêve?
- Parfois. Mais cela me fait peur.
- Qui n'a pas peur? "
Ursula Le Guin, extrait du cycle de l'Ekumen, collection Ailleurs et Demain
Le temps de cerises, première et dernière toile disponible, série OsmoCosmoGonie
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